Mariage de pauvres

Publié le par gsell.over-blog.com

      Je suis à la noce ce week-end ! C'est le cas de le dire. Le Samedi à la campagne pour un "mariage de pauvres" et le lundi à la ville pour un "mariage de riches". La comparaison est intéressante... mais voyons plutôt les détails dans cet article et dans celui qui suit.

      Dans la maison voisine de la mienne habite une femme -la quarantaine je crois- qui vit là avec sa nièce et le bébé de cette dernière. Je l'ai croisée quelques fois en rentrant chez moi et je l’ai saluée comme il se doit entre voisins. Elle m'appelle "Prof." car elle sait que ma maison est habituellement louée à des enseignants de l'Université. En retour je l'appelle "Toini", le prénom qu'elle m'a indiqué. Il y a quelques jours, à l'occasion d'une petite discussion sur le pas de la porte, elle m'a demandé si j'aimerais aller avec elle à la noce d'une de ses collègues de bureau (elle travaille comme secrétaire dans une école des environs). Je me suis rendu 2010 05 01 - Villageoises et queues de chevalcompte depuis que cette aimable invitation était un peu intéressée car elle n'a pas de voiture et avait besoin d'un chauffeur. Qu'importe,  j'ai apprécié l'intention et l'ai bien remerciée. Elle m'a dit que la cérémonie avait lieu le 1er mai à 10h00 dans une paroisse luthérienne pas loin d'Ongwediva. Je lui ai donc proposé de passer la chercher vers 9h45 pour être à l'heure. Grave erreur ! C'était sans tenir compte du fait que le temps est élastique en Afrique !  Peut-être l'effet de la chaleur. Toujours est-il que quand nous sommes arrivés au temple à l'heure dite… il n'y avait personne ! Alors nous avons attendu… attendu… pendant 2h30 ! La patience est une vertu africaine, semble-t-il.

      La cérémonie de mariage, sobre et accompagnée de chants sacrés un peu monotones, s'est déroulée sans grande surprise pendant à peu près 40 minutes. Mais ce n'était que le début. La famille et les collègues ont alors pris possession de l'église. Sous la houlette d'un maître de cérémonie apparemment rodé à cette mission, huit personnes se sont succédé à la tribune pour des discours de félicitation, de sympathie, d'appréciation, d'encouragement, etc. C'est tout au moins ce que j'ai compris car toutes ces allocutions étaient prononcées dans la langue africaine locale. Sans compter les intermèdes animés par des groupes de chanteurs et des villageoises vêtues de robes multicolores, émettant des "youyous" stridents et agitant au dessus de leur tête une queue de cheval ou de bovin montée sur un manche en bois (appelée ici "omushila" dans le dialecte  Oshindonga ou "efungu" dans une autre région en Oshikwangama). J'avais déjà vu ces pratiques à la cérémonie de graduation de la faculté. Après ces 3 heures de cérémonie à l’église, nous sortons enfin, avec la faim au ventre, car je n'ai pas mangé depuis le matin à 7h. Heureusement, me dis-je, il ya toujours un buffet dans un mariage. Ce n’est pas si simple.

      La noce se dirige en procession… vers les voitures. Je suis le mouvement avec ma voisine et deux de ses collègues qui profitent de ma voiture pour la circonstance. Et en avant sur la route vers Ondangwa. Après 22010 05 01 - Rite des cadeaux0 km, le cortège tourne à gauche sur une piste empierrée. 15 km plus loin, nouveau changement de direction. Là c'est carrément le bush,  avec un petit chemin de terre, à moitié effondré par les pluies du mois passé, qui zigzague pendant 15 km de plus entre les champs de maïs et les enclos à bestiaux. Enfin, je vois les voitures devant moi s'arrêter dans un pré. Nous sommes arrivés. Toute une troupe de femmes en boubous et une meute de gamins se ruent sur les mariés, dansant devant eux et leur criant des mots traditionnels de bienvenue. On passe encore entre deux champs de millet et c'est l'arrivée au village proprement dit, avec ses huttes traditionnelles et ses baraques aux toits de tôle. Juste à côté, un chapiteau de location est dressé pour accueillir la noce. Avant de boire quelque chose, il faudra toutefois attendre encore près d'une heure afin de sacrifier aux rites locaux. Les jeunes mariés sont installés en plein air dans des fauteuils. Ils prennent une pose hiératique tandis que l'ensemble des villageois et des invités (plus de 100 personnes) défilent devant eux et déposent des cadeaux dans une sorte de panier posé à terre. Cette "offrande" s'accompagne souvent de gestes particuliers : un pas de danse, une parole criée à la cantonade, une flexion rapide du bras comme pour "jeter" le cadeau dans le panier… Même les  plus pauvres sont là. J'observe ce qu'ils offrent aux mariés : parfois une simple pièce de 1 N$ (11 centimes d'€), parfois un grand carton contenant une cuisinière.  Quand on aime on ne compte pas… N'2010 05 01 - Défilé de villageoisesayant rien prévu, je dépose aux pieds des mariés un billet de 20 N$. Pas plus mon cadeau que les autres ne semble les émouvoir et ils restent figés. C'est la tradition.

     Une fois tous les invités entassés sous le chapiteau, les agapes peuvent commencer par le traditionnel toast aux jeunes mariés. Cependant, pas question de lever mon verre, car il n'y a qu'une seule bouteille de champagne (sud-africain) pour toute la noce. En revanche, on peut aller se servir dans des glacières contenant de la bière et des sodas. Quant au buffet, il est constitué uniquement des produits du village : poulets de course aux cuisses bien fermes, morceaux de bœuf interdits aux porteurs d'appareils dentaires, salade de tomate et purée de millet. Si les mariés ne disent toujours pas un mot, les invités qui viennent de loin profitent de la fête pour échanger des nouvelles et manifester leur affection. C’est sympathique et pas coincé. Il n’y a pas de piste de danse ; juste un haut parleur qui émet une musique disco avec des "ralentis" intempestifs quand le moteur du groupe électrogène a des phases d’essoufflement. 

      Avec tout cela, la nuit commence à tomber et j'ai peur de me perdre dans les méandres de la route campagnarde. Je fais alors signe à ma voisine qu’il serait peut-être temps de rentrer à Ongwediva, ce qu’elle accepte sans façons. Un miracle, je retrouve mon chemin jusqu’à la route nationale et, une petite heure plus tard je dépose ma passagère devant chez elle en la remerciant de m’avoir entraîné dans cette "aventure" intéressante.

Publié dans 2010 - NAMIBIE

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