Les poubelles volantes d'Ongwediva

Publié le par gsell

      Qui n’a pas vu l’enlèvement des ordures ménagères à Ongwediva n’a rien vu ! En France, nous sommes habitués à voir passer des bennes avec deux éboueurs préposés au vidage des poubelles. C’est hautement mécanisé et les poubelles sont adaptées au procédé d’enlèvement. Chaque éboueur  fait rouler la poubelle jusqu’à l’arrière de la benne, engage la poignée  dans la griffe d’un élévateur puis, par le simple jeu d’un bouton-poussoir, déclenche le transvasement des ordures dans le réceptacle. Pendant qu’il va chercher une 2010 05 31 - Préparation collecteautre poubelle, une presse compacte les ordures dans les entrailles de la benne. Tout cela se passe en silence, si ce n’est le couinement de la mécanique et le chuintement de l’hydraulique. De temps en temps, au changement de rue, les éboueurs sautent sur les marches situées de part et d’autre à l’arrière de la benne et filent sans mot dire vers de nouvelles aventures…

     Ici, en Namibie, rien de tel. La mission des éboueurs commence environ une demi-heure avant le début de la collecte proprement dite. Une petite escouade d’éboueurs parcourt à pied les rues à traiter afin d’optimiser le travail à venir. Certains munis d’une pince à manche nettoient la rue de tous les menus déchets éparpillés par des chiens errants où par la négligence des passants, en mettant ces détritus dans des sacs-poubelles. D’autres prennent en mains les poubelles sorties par les riverains afin de les aligner au cordeau le long de la rue. Ici les poubelles sont également normalisées mais ce sont de simples bacs coniques fabriqués dans une sorte de plastique industriel  (sans doute du polyéthylène renforcé). En tout cas c’est très lourd, même vide ! Si un particulier a oublié de sortir sa poubelle2010 05 31 - Eboueurs de course à l’heure (souvent variable) et que celle-ci est visible derrière la clôture, les préposés poussent la gentillesse jusqu’à entrer dans la propriété (si la grille est entrouverte) et sortent eux-mêmes la poubelle dans la rue. Les pré-éboueurs vont ensuite s’occuper d’une autre rue.

     Une étape un peu moins glorieuse (et non contrôlée) se déroule dans le quart d’heure qui suit. De pauvres gens passent souvent le long de la rue pour examiner le contenu des poubelles et en retirer ce qui pourrait les intéresser (j’ai déjà vu cela en France aussi). 

     Mais le plus beau reste à venir avec l’arrivée de la benne et de ses éboueurs "de choc ". Ici pas de camion mécanisé avec élévateur et compacteur. Nous sommes en Afrique, ne l’oublions pas ! Les bennes ressemblent à celles que j’ai connues dans ma jeunesse avec les ordures à l’air libre dans un camion-plateau entouré de grilles.  Deux opérateurs sont juchés sur le plateau, les pieds dans les ordures. Quant aux autres éboueurs, (en 2010 05 31 - Poubelle volantegénéral 4 à 6), ils suivent la benne pour y déverser le contenu des poubelles. Toutefois, l’histoire ne mériterait pas d’être racontée s’ils faisaient cela tout simplement. En fait tout l’intérêt de la scène réside dans le style (mais oui !) 

     La benne passe a bonne allure. Les éboueurs doivent tenir la cadence. Ils courent quasiment le long de la rue pour ne pas se laisser distancer. Ils se lancent des appels incessants pour s’encourager mutuellement et se répartir la tâche. Chacun d’eux accomplit son travail comme un exploit renouvelé. Arrivé à la hauteur d’une poubelle, il s’en saisit prestement puis, avec  la dextérité d’un joueur de basket, projette le récipient en hauteur en direction d’un de ses collègues dans la benne. La poubelle suit une trajectoire parabolique du plus bel effet sans jamais heurter le bord du camion et surtout sans jamais se renverser. L’envoi et la réception sont incroyablement coordonnés, et s’accompagnent d’onomatopées enjouées. L’éboueur du camion ne rate jamais le lourd projectile. Il amortit la réception avec un art consommé,2010 05 31 - La pose pour la photo renverse la poubelle sur ses pieds et la retourne illico à l’envoyeur qui, pendant ce va-et-vient, a déjà parcouru plusieurs mètres en courant (car le camion ne s’arrête jamais). Il arrive même parfois que le lanceur pousse la conscience professionnelle jusqu’à balancer la poubelle au dessus de la clôture de la propriété pour que le riverain n’ait même pas à la rentrer lui-même.

      Malgré ce train d’enfer, les éboueurs trouvent encore le temps d’échanger des blagues entre eux  et, lorsqu’un blanc inconnu comme moi s’avise à les photographier, lancent des "hello" amicaux et prennent la pose à côté du camion avec un grand sourire complice. Quand la benne a disparu au bout de la rue, tout redevient tranquille soudainement. Les poubelles sont vides. La rue est propre. Je reste là muet, ébloui par ce spectacle quasiment artistique.

Publié dans 2010 - NAMIBIE

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